Page:Andreïev - Les Sept Pendus (Trad. Serge Persky), 1911.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est belle ! Ou est-ce la vie ? Je ne sais pas, je ne sais pas ! Je vais voir et entendre… »

Depuis les premiers jours de sen emprisonnement, elle était en proie à des hallucinations. Elle avait l’oreille très musicale ; affiné encore par le silence, son sens auditif rassemblait les échos les plus ténus de la vie : le pas des sentinelles dans le corridor, le tintement de l’horloge, le chuchotement du vent sur le toit de zinc, le grincement d’une lanterne, tout cela se fondait pour elle en une vaste et mystérieuse symphonie. Au commencement, ces hallucinations effrayaient Moussia qui les chassait comme des manifestations morbides ; puis elle comprit qu’elle était bien portante, qu’il n’y avait là aucun symptôme pathologique ; alors elle ne résista plus.

Mais voici qu’elle entend très nettement le fracas d’une musique militaire. Étonnée, elle ouvre les yeux, lève la tête. Par la fenêtre, elle voit la nuit ; l’horloge sonne. « Encore ! » pense-t-elle sans se troubler, en fermant les paupières. Aussitôt, la musique