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dira vraies tout en les sachant illusoires. Est-ce possible ? Cela est nécessaire, si de cette illusion il émane pour nous un bienfait.

Les illusions que choisit le philosophe sont celles qui rendent possible pour nous une vie supérieure, et notamment ces deux apparences harmonieuses, une conscience clarifiée par les idées et une cité ordonnée. Une philosophie capable de nous ofïrir ces deux grands biens aide donc la vie. Elle collabore au grand œuvre du vouloir profond des mondes qui cherche à s’affranchir, c’est-à-dire à se glorifier dans une pensée lucide et dans une activité gouvernée par elle.

En quoi cette activité diffère-t-elle de la pensée relifgieuse, créatrice de mythes consolants ? La distinction entre la philosophie et la religion est la doctrine où l’influence d’Overbeck sur Nietzsche est la plus certaine. La philosophie sait que ses vérités ne sont ni fondées en fait, ni démontrées en logique. Il lui suffit qu’elles soient nécessaires à l’ordre de la pensée et aux besoins du cœur. En cela, elle procède comme la croyance. Les philosophes anciens en avaient le sentiment très net. Un Héraclite aura beau combattre la religion, il la ressuscite aussi. Il sait qu’on ne peut remplir les lacunes du savoir et en réunir les décombres que par une construction métaphorique. Mais ce savoir, il l’accueille. La philosophie fait attention aux faits et aux idées, dès l’instant que la vie y est intéressée. La religion et le mythe sont figés pour toujours. La philosophie aussi nous arrête sur l’image extatiquement aperçue d’une vie plus haute. Elle juge toutefois sa propre affirmation imagée, comme son image juge les choses à qui on la comfpare.

Le philosophe établit donc la vérité de ses enseignements par leur valeur, et leur valeur par l’efficacité qu’ils