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Schumann, et on prêtait l’oreille à la propagande wagnérienne commençante. La philosophie de Nietzsche, imbue de Novalis et de Fichte, effleurée par Emerson, se fixait par ces études. On peut d’après un essai intitulé Fatum und Geschichte en retrouver les linéaments.

II. Philosophie de Nietzsche adolescent. — Pour ce lycéen de dix-huit ans, qui a lu les Reden an die deutsche Nation de Fichte, une doctrine ne vaut que si elle s’est faite chair et vie. Le choix d’une doctrine est affaire de cœur. Nietzsche, à cet âge, considère le christianisme comme la meilleure doctrine, parce que dans le christianisme le salut ne tient pas au dogme, mais à la foi. Mais de même, le christianisme nous dit que Dieu est devenu homme, c’est-à-dire que ce salut, promis par la foi, il ne faut pas le chercher dans l’au-delà, mais sur la terre. Le christianisme fait donc appel à notre énergie. Il veut que nous décidions nous-mêmes de notre destin. Être chrétien, pour Nietzsche, c’est affirmer cette autonomie morale.

Dès lors donc, une question dans sa pensée prime toutes les autres, celle de l’individu. La moralité réelle est l’expression d’un temps et d’un état social ; la morale doctrinale reflète en idée ces besoins d’un temps et d’une société. Morale et moralité sont des résultats historiques. Y a-t-il un terme à l’évolution qui les modifie ? On ne sait. Mais il faut découvrir les causes qui les amènent.

La cause déterminante dernière, est l’homme, l’individu. Par quoi est-il conduit ? Est-ce le hasard qui l’entraine ? C’est plutôt son tempérament. Emerson l’avait dit, et les médecins répètent : les événements qui nous arrivent sont colorés de notre tempérament. Or, qu’est-ce que le tempérament, si ce n’est un agrégat de faits physiques et sociaux, qui ont laissé sur l’âme leur empreinte ? Une conformation défectueuse du crâne ou de l’épine dorsale, une hérédité