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bonnes lectures théologiques, la Vie de Jésus ou L’Histoire de l’Église de Karl Hase, théologien d’Iéna[1]. Il la voudrait pareille à lui par les croyances et par tous les intérêts de l’esprit.

De même, il tyrannisait à distance les camarades de Naumburg. Robert Schumann avait écrit : « Il existe à toutes les époques une fédération secrète des esprits reliés par l’affinité. Fermez plus étroitement votre cercle, ö vous qui êtes d’une même souche, afin que la vérité de l’art jette une grande clarté[2]. » Le besoin d’un clan amical, dont il serait le chef reconnu, avait décidé Nietzsche à créer, en 1860, une société littéraire, où quelques jeunes gens de son âge s’initieraient aux plus importantes nouveautés et se prépareraient à des œuvres originales. En un temps où aucun Allemand ne pouvait se soustraire à la pensée du relèvement national, une telle société ne pouvait s’appeler que Germania. Ils la fondèrent, cérémonieusement, un jour, à l’allemande, sur la tour en ruines du château de Schœnburg. Nietzsche n’a pas dédaigné d’accueillir dans Ueber die Zukunft unserer Bildungsanstalten le récit de la solennité[3]. Aux séances de cette Académie juvénile on lisait des vers, des essais littéraires ou des études de philosophie. Nietzsche y lut un travail sur la légende d’Ermanarich, y produisit son oratorio ses mélodies hongroises. Il joua du Palestrina, du Schumann et déjà du Berlioz. C’est dans cette humble société qu’il entendit pour la première fois commenter le Rheingold de Wagner, et c’est alors qu’il étudia Tristan und Isolde. On lisait la Zeitschrift für Musik fondée par

  1. Corr., V, 19 ; 10, 20 ; 13.
  2. Schumann, Musik und Musiker, III, p. 177.
  3. Le fait est transporté à Rolandseck (W., IX, 303-306). Nietzsche s’est plaisanté lui-même de cette audace de déformation Die ganze Rheinscenerie ist erschrecklich erlogen (Corr., III, 424).