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sent le vieux couvent. Un vaste jardin est semé de villas pour les maîtres. Au centre, le bâtiment scolaire reste attenant au cloître destiné à la promenade des Bénédictins d’autrefois. Les maîtres élisent leur recteur et gouvernent en corps l’institution. Les élèves eux aussi se gouvernent ; on choisit parmi eux les moniteurs surveillants. Nietzsche fut reçu à Pforta au mois d’octobre 1858. Il nous a décrit cette vie monacale et frugale[1] ; et il en trouvait lourde la contrainte. Il lui a été dur d’être séparé de sa sœur, de Wilhelm Pinder et de Gustav Krug. Il ne prévoyait pas alors qu’il trouverait à Pforta quelques-unes des amitiés les plus durables de sa vie. Puis, avec son habituelle résignation devant la destinée, il décide « de tirer un bon parti de ces années pesantes, de peur qu’elles ne restent vides ». Il se promet de se parachever également dans les sciences, dans les arts et dans tous les talents même corporels[2].

I. Les études secondaires de Nietzsche. — Si l’on songe que son expérience de l’enseignement secondaire allemand est surtout acquise à Pforta, et qu’il a fait de cette expérience une cruelle analyse dans les leçons de 1872, Ueber die Zukunft unserer Bildungsanstalten, on devrait penser qu’il souffrit aussi dans son esprit. « Nous n’avons pas d’institutions de culture ! » s’écriera-t-il. Ce désespoir n’était pas le sien, quand il entra au gymnase de Pforta. Il tomba sur des maîtres excellents. Plusieurs ont laissé un nom dans la science. La sévérité avec laquelle, étudiant juvénile, il a parlé des travaux confus du vieux Steinhart sur Platon[3] ne l’a

  1. Voir son Tagebuch de Pforta, dans E. Foerstek, Biogr., I, pp. 100-126 ; Der junge Nietzsche, p. 83.
  2. Ibid., p. 92.
  3. Lettre à Deussen, mai 1868 (Corr., I, p. 102).