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sissait pas toujours[1]. Mais il se prêtait à tous les accueils avec une bonne grâce égale. Puis, de Bâle, il écrivait des lettres humoristiques où il commentait les derniers cadeaux reçus, raisins ou gâteaux, effets d’habillement ou portraits. Aux anniversaires, il ne manquait pas d’expédier lui-même des présents ingénieusement choisis, avec ses dernières brochures et des versiculets de dédicace, ou des compliments à l’adresse de sa mère, que le temps semblait ne pas miner dans son indestructible jeunesse.

Son alliée, pourtant, fut surtout sa sœur Lisbeth. En imagination, Nietzsche avait toujours magnifié sa lignée maternelle remarquable, même dans les femmes, « par une nature singulière, qui leur donnait une tenue plus indépendante des choses du dehors et de la douteuse bienveillance des hommes »[2]. Nietzsche aimait en sa sœur « cette qualité de race ». Il surveillait sa formation en frère soucieux de lui ouvrir la notion d’une distinction plus vraie et les horizons d’une intelligence plus étendue que celle du beau monde de Naumburg. Mme Ritschl, sa paternelle, amie d’autrefois, fut, pour Lisbeth, le modèle d’une femme cultivée, de libre et courageuse pensée[3]. Mais il souhaitait la former lui-même. Il ne faut pas se la représenter très savante, bien qu’elle achevât pour lui l’Index du Rheinisches Museum, promis à Ritschl. Les témoins d’alors se souviennent d’une jeune fille vive et sensible, rieuse et rose sous de gracieux chapeaux à fleurs. Telle quelle, Nietzsche la chérissait et la souhaitait près de lui.

Dès juin 1869, il avait fait le plan d’un commun voyage en Suisse. À Interlaken où il se reposa quelques jours, en juillet, d’un métier très aimé, mais qui le

  1. Corr., V, 168, 219.
  2. Cor., V, 279. — 21 septembre 1873.
  3. ibid., V, 152.