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passé trois jours agréables, en septembre 1871, et avait fait, avec Nietzsche, la promenade de Grenzach, chère aux universitaires[1]. Puis de loin, de Nice, de Rome, où il traînait l’ennui de son préceptorat, il envoyait ses vues philosophiques. Le phénoménisme schopenhauérien, tel que l’entendait Nietzsche, il prétendit, lui aussi, l’enseigner dans un livre sur Kant und Empedokles, dont il faudra retenir quelques propositions essentielles pour la théorie nietzschéenne de la matière[2]. Sitôt affranchi, Romundt accourut à Bâle pour s’y faire privat-docent. Nul doute que Nietzsche ne lui ait prêté obligeamment l’aide de son vote[3] ; et l’ayant installé, il annonçait à son de trompe les succès de l’orateur et du conférencier[4]. Il accueillera Romundt dans sa maison, en 1872, et en fera son commensal, avec Overbeck : heureux de son zèle, de sa bonne humeur, de tout ce qu’il y avait en lui de force joviale et un peu subalterne[5]. Ce n’est pas la faute de Nietzsche si les opinions schopenhauériennes de Romundt l’ont privé de la chaire magistrale bâloise, le jour où Eucken fut appelé à Iéna. Nietzsche s’employa de son mieux à la lui obtenir, mais ne put vaincre la prévention ou la timidité de ses collègues[6].

Il n’y avait pas de projet de voyage entre amis, dont Romundt ne fût. Si l’on gardait peut-être secrets devant lui les projets idéologiques les plus hauts, ce n’était pas pour l’exclure, mais pour l’initier par degrés. Romundt a été un camarade dévoué, qui a souvent prêté sa plume à Nietzsche malade. Pourtant il gardait une nature évasive, instable et jeune. Son commerce n’a pas manqué d’agrément pour Nietzsche, mais il n’est pas

  1. Corr., I, 71 ; II, 264 ; V, 214, 217.
  2. Ibid., II, 344, 354.
  3. Ibid., II, 169, 329.
  4. Ibid., I, 219. 300, 347.
  5. Ibid., I, 219 ; V, 271.
  6. Ibid., I, 261, 441.