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Paris. Elle se défendit deux mois dans des convulsions sauvages. Un jour de mai 1871, une rumeur erronée se répandit à Bâle : le Louvre était en flammes. Nietzsche fut suffoqué d’émotion. Il courut chez Jacob Burckhardt, qui déjà aussi le cherchait. Ils se rejoignirent enfin, et ne purent que se serrer la main, les yeux remplis de pleurs. Toute la vieille Europe et sa civilisation « latine » montrait sa fragilité. Il suffisait d’un jour pour détruire des périodes entières de l’art. Et Nietzsche désespérait. Qu’était-ce que la science et que la philosophie impuissantes à empêcher de telles destructions ? Avec plus d’acharnement alors il s’enfonçait dans ses convictions pessimistes. L’art est fragile et à la merci d’une émeute. Les foules n’ont pas encore la sensibilité qui se console par des formes belles. L’office de l’art est donc d’une autre nature, très métaphysique. Il fallait se pénétrer de cette mission. Mais Nietzsche ne rendit pas responsables les multitudes égarées, capables d’un tel crime. La compassion là encore le conduisait. Et il préparait son cœur pour cette lutte concertée de la civilisation nouvelle et germanique contre la décadence latine.