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Ainsi méditait Rohde encore en 1876, et il a, depuis, écrit à Franz Overbeck que jamais interprétation ne l’avait saisi par des fibres aussi profondes[1]. Tribschen les accueillit ensemble, du 11 au 13 juin ; et Wagner convenait que c’était « comme une nouvelle espèce d’hommes » que ces jeunes savants en qui s’unissaient, pour une œuvre de culture générale, les méthodes critiques méticuleuses, la ferveur artiste, et le don littéraire de création. Il avait aimé en Rohde la gravité, empreinte dans ses traits virils. Entre tous ces hommes se dessinait une alliance scellée d’affection. Nietzsche en envoyait la promesse à Rohde, quand éclata le coup de foudre : la déclaration de la guerre entre la France et l’Allemagne.


III

la guerre de 1870


À la première nouvelle Nietzsche fut stupéfait d’effroi et de douleur. Comment résisterait au cataclysme la civilisation européenne si fragile ? Sa croyance fut qu’il faudrait une nouvelle vie monacale, réfugiée en de rares couvents, pour sauver les débris de la culture vraie[2]. La nouvelle l’atteignit à Axenstein près de Brunnen. Le désarroi était grand chez tous les Allemands qui avaient à rejoindre leur pays. Ritschl demandait avec anxiété des nouvelles de sa femme et de sa fille. Les chemins de fer et les télégraphes allemands étaient absorbés par la mobilisation. Dans ce conflit sanglant, Nietzsche devait-il prendre parti ? Il y aurait contre-sens à s’en étonner. L’art wagnérien, si composite, et qui était une fleur de culture

  1. Crusius, p. 38.
  2. Corr., II.