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CONCLUSION




Des idées allemandes, françaises, suisses et américaines préparent, avant la venue de Nietzsche, un nietzschéanisme approximatif, si on les joint. Mais où se rejoignent ces idées, si ce n’est dans l’esprit de quelques Européens cultivés, dont aucun ne se sent la vocation d’y réfléchir, et qui en tirent tout au plus de subtiles jouissances intellectuelles ? Et puis, en se rencontrant, elles ne sont pas pour cela conciliées. Il y faut un travail nouveau, formatif et dirigé.

Nietzsche, en qui se produit cette même rencontre d’idées, sent la nécessité de les unir ; et, comme elles l’obligent à une décision violente au moment où leur contradiction éclate, il construit plusieurs systèmes nouveaux et successifs pour répondre aux questions qui se posent, lorsque « des choses qui ne s’étaient encore jamais regardées face à face, brusquement s’affrontent, s’éclairent et deviennent intelligibles les unes par les autres[1] ».

I

Avant Nietzsche, les classiques et les romantiques allemands refusaient de s’immobiliser sur le plan de la pensée coutumière. Tout jeune encore, Gœthe promène dans la

  1. Nietzsche, Ecce Homo. Die Geburt der Tragödie, § 1. (W., XV, 62.)