dans la philosophie[1]. À cette « culture » toute civilisation doit aboutir comme à sa fin nécessaire et à son épanouissement. Nietzsche pense comme Burckhardt, avec cette différence qu’il est plus profondément atteint du préjugé germanique. Il estime que l’État est une condition de la « culture », mais n’en fait pas partie. Il arrivera que Nietzsche, pour préparer le terrain d’une « culture » allemande nouvelle, voudra la ruine de l’État, du Reich. Il pensera que de certaines formes politiques et sociales mûrissent sans culture nationale et que d’autres l’entravent. Mais la « culture » n’est pour lui que cette fleur de conscience et d’humanité dont avaient parlé Burckhardt et F.-A. Wolf.
La méthode de Jacob Burckhardt est, en apparence, dénuée de prévention. Il étudie l’État, la religion et la culture intellectuelle des peuples dans leurs rapports. Il se demande par quelle nécessité ils se tiennent. Burckhardt est le plus libre disciple de Montesquieu que le XIXe siècle ait connu, et, pour son temps, le plus instruit. Mais on s’aperçoit bientôt qu’un sentiment puissant le domine : sa défiance de l’État et de la religion.
Bien que toute culture intellectuelle soit issue des religions, il les dénonce comme des forces qui tendent à s’emparer de toute la culture ; et il dénonce les organisations ecclésiastiques comme des pouvoirs qui tendent à supplanter tout pouvoir[2]. Ce qui a fait au contraire la singulière liberté d’esprit des Grecs et des Romains, c’est que chez eux la religion était politique et traduisait les besoins de la cité. Ils ont échappé ainsi au danger
- ↑ J. Burckhardt, Weltgeschichtliche Betrachtungen, p. 56. Remarquer l’embarras de Burckhardt dans le chapitre : die drei Potenzen. L’État, la religion, la culture, sont trois « facteurs », mais de quoi ? Il n’ose dire de la « civilisation », mais la lecture de ses livres ne laisse pas de doute.
- ↑ Burckhardt, Weltgeschichtliche Betrachtungen, p. 97.