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CHAPITRE VI


STENDHAL[1].



QUAND Nietzsche, vers la trente-cinquième année, découvrit le Rouge et le Noir, il en eut une surprise, dont sa correspondance et l’Ecce Homo gardent le souvenir ravi[2]. Ce fut pour lui une révélation comparable à celle qu’il eut de Schopenhauer en 1865 et de Dostoïewsky en 1887. Il se fit en Allemagne l’apôtre de la petite religion stendhalienne, qui, en France, se propageait dans de délicats cénacles. Les spécialistes allemands de la psychologie professorale ne savaient pas encore épeler le nom de l’inconnu si étrangement dénommé Stendhal, que Nietzsche le considérait déjà comme « le dernier psychologue » qui eût paru, et comme « le dernier grand événement de l’esprit français »[3]. Au temps où

  1. On a retrouvé dans la bibliothèque de Nietzsche les ouvrages de Stendhal dont les noms suivent : l’Histoire de la peinture en Italie ; les Mémoires d’un Touriste ; les Promenades dans Rome ; Rome, Naples et Florence ; Racine et Shakespeare ; Armance ; la Correspondance inédite (V. le catalogue de sa bibliothèque dans Arthur Berthold, Bücher und Wege zu Büchern, 1900, pp. 433, 435, 439, 442). La correspondance avec Peter Gast atteste qu’il possédait en outre La vie de Haydn, de Mozart et de Métastase (p. 55), qu’il envoie à son ami en 1881. Il relisait encore en 1888 « son livre le plus riche », Rome, Naples et Florence (Ibid., p. 387). Il a connu cette même année 1888 le Journal intime, récemment paru. On voit par cette énumération que plusieurs ouvrages de Stendhal que Nietzsche goûtait fort ont disparu de sa bibliothèque.
  2. Lettres à F. Overbeck (p. 364), 23 fév. 1887. — Ecce Homo ( W., XV, p. 35).
  3. Fragments posthumes du temps de l’Unucertung, 1882-1883. (W., XIV, p. 178.)