au monde est concupiscence de la chair, écrira-t-il alors, ou concupiscence des yeux, ou orgueil de la vie : libido sentiendi, libido sciendi, libido dominandi[1]. » Étaient-ce bien « trois fleuves de feu » qui embrasent notre terre de malédiction ? Il semble que peu à peu, pour Pascal, ils se soient confondus en une même marée de flamme qui déborde de nous et de tous les vivants, et dont le nom est « orgueil », « désir de domination universelle »[2]. Voilà la simplification qui a le plus attiré l’attention de Nietzsche. Cette volonté qu’il concevait agissante dans tous les êtres, à l’exemple de Schopenhauer, quelle fin lui assigner et comment se représenter son insatiable appétit ? Il n’est que de regarder en nous pour en avoir l’image. Pascal avait su la discerner : « Le MOI a deux qualités : 1o il est injuste en soi, en ce qu’il se fait centre de tout ; 2o il est incommode aux autres, en ce qu’il les veut asservir : car chaque MOI est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres. » Appétit de dominer, c’est la commune tendance que Nietzsche apercevra finalement jusque dans la passion de savoir et jusque dans la joie du corps.
Il a eu d’autres maîtres que Pascal pour apprendre à dépister les ruses de cette ambition sournoise en nous, si habile à se masquer et à triompher même quand elle se fait humble. Mais ce qui importe, c’est que Pascal lui ait appris à se représenter toute la vie sociale comme assise sur ce besoin de dominer, matériellement ou en imagination. Les différences sociales ne viennent que de la part d’imagination mêlée à ce vouloir tyrannique. L’orgueil « contrepèse toutes les misères »[3], et « la douceur de la gloire est si grande qu’à quelque action qu’on l’attache,