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CHAPITRE PREMIER


MONTAIGNE



Nous ne savons pas si la lecture de Montaigne remonte chez Nietzsche au delà de ce jour où Cosima Wagner lui fit don de l’exemplaire qu’il a, depuis lors, aimé à feuilleter. Mais nous savons qu’il l’a souvent relu, dans le texte sans doute pour l’ordinaire (quelques contre-sens l’attestent)[1], et parfois, pour alléger sa peine, dans la traduction allemande[2]. Parmi « les hommes qu’il aimait et qui tous étaient morts depuis longtemps », il citait Montaigne[3]. Une recherche préoccupée de déterminer ce que Nietzsche doit à Montaigne ne peut se borner à relever les passages où il le cite. L’aveu que fait Nietzsche de sa dette à l’égard de Montaigne nous autorise à interpréter les coïncidences, par delà les citations explicites : Elles attestent des affinités. Elles marquent les points de contact, par où pouvaient passer les ondes d’une action plus profonde. Ce qui attirait Nietzsche dans Montaigne, c’est l’intelligence souriante. Il n’y avait rien qui fût plus propre à

  1. V. le contre-sens dans Schopenhauer als Erzieher, § 2 (I, 400) et sur lequel il délibère, le 7 avril 1875, avec sa traductrice Marie Baumgartner {Corr., I, 310).
  2. . Il la réclame à sa mère en septembre 1884 {Briefe an Mutter u. Schwester, p. 56S).
  3. Ibid., p. 603 (21 mars 1885).