Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déguisée par aucun vêtement. Mais si l’aspect de cette population était des plus repoussants, ses mœurs étaient encore plus horribles. Le spectateur frémit en voyant de quelle façon incivile tous ces individus se poussaient, se pinçaient, se piquaient, se mordaient, et se déchiraient l’un l’autre. C’était une cohue, un vacarme indescriptible. Tantôt ceux qui se trouvaient en haut, tombaient au fond, tantôt c’étaient ceux du fond qui montaient en haut. Celui-ci a la patte trop longue ; un autre la lui arrache. Celui-là est blessé ; on se jette sur lui, on le tiraille de tous côtés, on le met en quartiers et on le dévore. S’en trouve-t-il un par hasard qui se tient tranquille, et, comme une petite demoiselle, semble ne demander que le calme et la paix, tous ses concitoyens s’empressent à lui chercher dispute, l’estropient et le font disparaître. Il y en a dix à la fois qui veulent être les maîtres ; mais pas un seul ne consent à obéir : c’est un véritable tohu-bohu.

— Hé ! hé ! voilà un spectacle assez repoussant, dit le magicien anonyme.

— Oui, mais que crois-tu que ce soit ? répliqua Cribbel-Crabbel.

— C’est bien facile à deviner, ce doit être Paris ou quelque autre grande ville ; elles se ressemblent toutes.

— Point : c’est tout simplement une goutte d’eau bourbeuse.

— Ma foi ! répartit l’autre, l’erreur n’est pas énorme ; il n’y a que la différence du petit au grand.