son microscope une goutte d’eau tirée d’un bourbier voisin. Quelle fourmillement ! Quel sens dessus dessous ! Des milliers d’animaux étaient là grouillant, se battant, et s’entre-déchirant.
— C’est abominable ! s’écria le vieux Cribbel-Crabbel. Est-ce qu’il n’y aurait pas quelque moyen de faire vivre en paix ces enragés, et de les ramener à des principes et à un appétit plus modérés ?
Il réfléchit à cela longtemps ; mais ses connaissances chimiques, politiques et médicales ne lui suggérèrent aucun remède ; c’était le cas d’employer le sortilège.
Que fit-il ? Pour mieux voir d’abord, il mêla à la goutte d’eau quelque chose qui ressemblait à la dixième partie d’une goutte de vin rouge. C’était du sang tiré du bout de l’oreille d’une sorcière, liqueur d’une qualité superfine à 1 franc 30 centimes le demi-kilo ; et, même à ce prix-là, on n’en a pas comme on veut.
La mixtion opérée, tous les singuliers animaux devinrent d’une couleur rouge-clair, si bien que la goutte d’eau habitée par eux ressemblait à une ville peuplée d’hommes sauvages, totalement nus.
— Qu’examines-tu donc là ? lui dit, en survenant, un autre magicien qui, lui, n’avait jamais eu de nom, ce qui était son trait de caractère le plus particulier.
— Si tu peux deviner ce que c’est, répondit Cribbel-Crabbel, je t’en fais cadeau ; mais je crois que je ne cours pas grand risque, à moins que la chose ne te soit déjà connue.
Le second magicien, celui qui n’avait pas de nom, se mit alors à regarder dans le microscope, et il y vit cette ville toute fourmillante d’hommes dont la laideur n’était