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façon de marcher : personne ne peut renier son origine.

Je m’étais mise en relations avec les souris de la forêt et des champs voisins ; mais malheureusement elles vivent dans la plus crasse ignorance de la cuisine et de tout ce qui s’y rapporte.

Lorsque je leur parlai de la soupe à la brochette, elles trouvèrent cette idée si extraordinaire qu’on en fit bientôt des gorges chaudes. Il n’y en eut pas une qui ne me regardât comme une folle, et je fus en butte à mille plaisanteries fort désagréables. J’étais loin de penser que c’était dans cette contrée si peu civilisée que je devais être initiée au grand secret. A l’extrémité de la forêt où j’avais élu domicile, il y avait un hameau composé de trois ou quatre maisons. Les habitants avaient élevé au milieu un grand mât orné de guirlandes et de rubans, pour fêter le retour du printemps. Les jeunes filles et les garçons s’amusaient à danser autour de ce mât, au son de la musique. La danse joyeuse continuait après le coucher du soleil. Après les avoir regardés un instant à la lueur de la lune, je me retirai dans mon trou garni de mousse, pour me reposer, avec ma brochette serrée entre mes pattes.

En bonne conscience, qu’est-ce qu’une souris aurait pu faire dans un bal champêtre?

J’étais sur le bord d’une espèce de place circulaire blanchie par les rayons de la lune, et au milieu de laquelle se trouvait un arbre revêtu d’une mousse si fine, qu’au toucher on aurait pu la prendre pour la peau d’un roi. La couleur en était verte et faisait du bien aux yeux.