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possédais déjà toute la sagesse du monde; mais, je le reconnais à présent, pour devenir sage, il faut des mois et peut-être des années d’expérience.

Je m’embarquai sur un navire qui faisait voile pour le nord. J’avais entendu dire qu’un cuisinier de vaisseau devait être des plus habiles, et capable avec peu de chose de satisfaire l’appétit de beaucoup de monde. Je fus bien vite détrompée à la vue de ces amas de porc, de poisson salé et de farine qu’il avait à sa disposition. En mer, je vous le certifie, on vit fort bien, mais on n’y apprend rien qui puisse servir pour préparer la soupe à la brochette.

Après une traversée de plusieurs jours et de plusieurs nuits, le navire, sans cesse balancé par les vagues et quelquefois secoué par la tempête, arriva heureusement à sa destination, dans l’extrême nord, il me tardait de reprendre pied sur la terre ferme.

Quelle chose étrange de se trouver ainsi pour la première fois en pays étranger, à plusieurs centaines de lieues de celui où on a reçu le jour ! Je vis là des forêts immenses, peuplées de sapins et de bouleaux, qui exhalaient une odeur si forte que je ne pouvais m’empêcher d’éternuer. La vue de ma brochette me faisait aussi regretter bien sincèrement les rognons du festin donné par Sa Majesté.

Je rencontrai ensuite des lacs d’une eau vive et transparente, sillonnés par des essaims de cygnes. De loin, on les aurait pris pour l’écume même des flots; mais quand ils s’approchèrent, je les reconnus.

Quel que soit leur plumage, ils n’en appartiennent pas moins à la famille des oies; cela se voit bien à leur