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cié, comme l’attestaient ces vers écrits par lui la veille même de son trépas :

En vain on t’interroge, on te suit à la trace ;
Mystérieuse mort, ton silence est de glace,
Et des croix de bois noirs marquent seules, hélas !
— Ton passage ici-bas.
Mais notre âme t’échappe ; elle franchit l’espace,
Les cercles étoilés, pour arriver au ciel :
En elle, il n’est rien de mortel,
Et sur la tombe, humble ou superbe,
Elle ne pousse pas comme une touffe d’herbe.

Tout à coup deux figures de femmes apparurent dans la chambre solitaire. Nous les connaissons déjà ; c’étaient la fée de la Tristesse et la messagère du Bonheur.

Elles se placèrent chacune d’un côté de la pièce et se penchèrent sur le visage glacé du jeune homme que le suaire ne recouvrait pas encore.

— Tu sais à présent, dit la Tristesse, tu sais quel est le bonheur que tes galoches peuvent procurer à l’humanité.

— Du moins, répondit l’autre fée, elles auront donné à celui qui dort ici une félicité durable.

— Nullement, reprit la Tristesse : car il ne peut pas recevoir sa récompense avant de l’avoir méritée, avant d’avoir accompli la mission qui lui est assignée par la Volonté suprême ; et il ne doit pas non plus être puni pour avoir parlé inconsidérément, sans savoir ce qu’il disait. Puisque tes faveurs n’ont servi qu’à l’égarer et à le désespérer, c’est moi désormais qui lui viendrai en aide. Je ne suis ni l’ennui, ni le découragement : je n’exclus que l’impatience et la vaine agitation ; mais je garde avec moi la force, la résolution sérieuse et le