Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.

de l’autre côté des Alpes ; la température y est douce et clémente… Et puis je pourrais déposer ma lettre de crédit qui m’empêche ici de jouir des beautés de la nature, tant j’ai peur de la perdre. Je voudrais bien être en Italie.

En conséquence de ce souhait il se trouva sur la route entre Florence et Rome. Le lac Trasimène étalait sa nappe dorée au pied des montagnes bleuâtres. À l’endroit où Annibal battit Flaminius, des ceps de vignes surchargés de raisins croissaient paisiblement au soleil. De charmants enfants à moitié nus gardaient des troupeaux de porcs noirs à l’ombre des lauriers-roses. C’était fort beau,

Mais le licencié ni ses compagnons de voyage n’étaient en humeur admirative. Des mouches et des moucherons enragés envahissaient la voiture par milliers. On avait beau agiter autour de soi des branches de myrte, les piqûres se multipliaient. Tous les voyageurs avaient la figure gonflée et marbrée de taches rouges. À chaque instant le cocher se voyait obligé de descendre pour délivrer les malheureux chevaux des essaims compactes de moustiques, qui, par leurs atteintes, les empêchaient d’avancer. Le soleil se coucha ; un froid glacial pénétra instantanément toute la nature. On eût dit l’air humide d’un sépulcre remplaçant la vivifiante chaleur du soleil. En même temps les montagnes et les nuages se teignaient de cette étrange couleur verte, qu’on ne retrouve que sur les anciens tableaux des maîtres, effet de lumière inconcevable pour quiconque n’en a pas été témoin.

Tout cela était superbe ; mais nos voyageurs avaient