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Le voilà donc voyageant au beau milieu de la Suisse, encaissé, lui huitième, dans l’intérieur d’une diligence. Il souffrait de douleurs de tête, de crampes dans le cou. Ses pieds gonflés étaient horriblement serrés dans ses bottes. Il flottait dans une sorte de torpeur douloureuse qui ne lui permettait ni de dormir ni de s’éveiller. Dans sa poche de droite il avait une lettre de crédit, dans celle de gauche son passeport, et suspendue sur sa poitrine une bourse contenant un certain nombre de pièces d’or. À chaque instant il se figurait avoir perdu l’un ou l’autre de ces objets précieux ; aussi sa main en allant tâter successivement les trois endroits, décrivait-elle un triangle continuel.

Il se redressa pour jouir de la perspective imposante de la contrée ; mais un paquet de cannes, d’ombrelles et de chapeaux bouchait presque complètement la portière. Le ciel était sombre. Les forêts de sapins, dont les sommets se perdaient dans les nuages, apparaissaient, à travers la brume, comme des bruyères accrochées aux flancs des montagnes. Le licencié répéta, pour s’encourager, ces vers composés à la louange de la Suisse par un poëte célèbre qui a voulu les laisser inédits :

Ici ma joie est infinie !
Je vois le superbe Mont-Blanc !
Si ma bourse était bien garnie,
Ici, je passerais ma vie,
Ici, je m’éteindrais content !

Tout à coup la neige commença à tomber, et le vent siffla avec violence.

— Ouf ! soupira le jeune homme, je préférerais être