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— Finis-en donc avec tes élégies, reprit le perroquet ; tâche plutôt de nous faire rire. Rire, c’est la faculté exclusive des créatures de premier ordre. Vois si un chien ou un chat savent rire. Non les hommes seuls jouissent de ce privilège… Ha ! ha ! ha !… soyons des hommes !

— Pauvre petit oiseau gris du nord, dit le serin à l’alouette ; on t’a donc fait aussi prisonnier. Il doit faire bien froid dans tes forêts de sapins, mais du moins on y jouit de la liberté. Eh bien, regarde : on a oublié de refermer ta cage ; la fenêtre est entr’ouverte… Vite ! sauve-toi !… sauve-toi !

L’employé obéit par instinct ; mais à peine fut-il hors de la cage, qu’un grand chat, aux yeux verts et étincelants, se mit à lui faire la chasse.

À la vue du terrible quadrupède, le serin voleta étourdiment dans sa cage, et le perroquet battit des ailes en criant à plusieurs reprises : « Soyons des hommes ! » Malgré sa frayeur, l’employé eut la force de s’élancer, par la fenêtre. Il n’arrêta son vol que bien loin de là, lorsque, épuisé de fatigue, il fut contraint de se reposer sur un toit.

À la maison en face de lui, une fenêtre ouverte laissait voir l’intérieur d’une petite chambre, dont l’aspect avait je ne sais quel charme pour l’alouette. Elle y entra et, se perchant sur la table, regarda autour d’elle avec étonnement. — C’était la propre chambre de l’employé !

— Soyons des hommes ! répéta-t-il en empruntant la formule de satisfaction du perroquet, et à l’instant même il se trouva devant sa table, assis et dans son costume d’employé.