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étaient la représentation des défauts corporels et spirituels de toutes ses amies.

L’interne (nous pouvons lui conserver ce nom) s’enfuit au plus vite dans un autre cœur de femme. Celui-ci lui parut comme une cellule paisible où une lampe éclairait doucement de ses rayons les versets du Livre sacré. Les parfums d’innocence et de recueillement qu’on respirait dans cet asile le rendaient lui-même meilleur. Il se sentit digne alors de pénétrer dans un autre sanctuaire : c’était comme une pauvre mansarde où une mère malade se désolait en regardant son enfant. Mais le soleil d’or du bon Dieu apparut à la fenêtre ouverte ; des roses gracieuses y fleurirent, et deux charmants petits oiseaux firent entendre leurs gazouillements, tandis que la mère, plus calme, implorait la bénédiction du ciel pour son enfant bien-aimé.

Puis l’interne traversa un étal de boucher ; de la viande et rien de plus : c’était le cœur d’un homme riche et bien posé, dont le nom figure dans l’Almanach du commerce. De là le voyageur passa dans le cœur de la veuve d’un millionnaire : c’était un vieux pigeonnier avec le portrait de l’époux défunt qui servait de girouette.

Ce fut, après cela, une grande salle dont tous les murs étaient cachés sous des glaces d’un grand prix. Leur disposition multipliait les objets à l’infini. Au milieu de cette magnificence était assise, semblable à un Dalaï-Lama, l’individualité insignifiante d’un personnage infatué de lui-même et de ses richesses.

Le pauvre interne ne savait comment s’expliquer à lui-même cette merveilleuse pérégrination.