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Lorsqu’on mettait ces lunettes, les hommes semblaient des cartes à jouer avec lesquelles on pouvait prédire tout ce qui arriverait l’année suivante.

Cette idée frappa l’interne. Il aurait bien voulu posséder de pareilles lunettes.

— Si l’on savait bien s’en servir, pensait-il, on parviendrait peut-être à lire dans le cœur des gens ; ce serait beaucoup plus intéressant que de prévoir les événements de l’an prochain. Je me figure déjà pouvoir pénétrer dans le cœur de tous ces messieurs et de toutes ces dames ; ce serait une espèce de ville souterraine où mon regard ne manquerait pas de faire des découvertes intéressantes. Que d’artifices, de replis étranges, de secrets grotesques ou hideux lui seraient ainsi dévoilés ! Quels vides profonds, quelles assises de rocher je rencontrerais sous une végétation de beaux sentiments et de tendresses raffinées ! Peut-être rencontrerais-je aussi la vertu vraie, plus soucieuse d’être que de se montrer… Oui, je voudrais pouvoir me glisser dans tous ces cœurs sous la forme d’une petite pensée bien subtile et bien agile, et m’initier ainsi à tout ce qui y est renfermé.

Ces mots suffisaient aux galoches. L’interne aussitôt crut sentir son corps se dissoudre, et il commença à voyager, comme il l’avait souhaité, à travers les cœurs des spectateurs.

Le premier qu’il visita était celui d’une femme mariée. Il crut être dans un établissement orthopédique, où l’on voit accrochées aux murs des moulures en plâtre de tous les cas de difformité : mais il y avait cette différence que, dans le cœur de cette dame, ces figures