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diable, sans arriver à bouger de place. La pluie tombait à torrents ; personne dans la rue ; la main du patient ne pouvait atteindre le pêne de la serrure, aussi pensait-il avec désespoir qu’il faudrait passer la nuit entière dans cette atroce gêne. Le jour venu, on irait chercher un serrurier pour scier les barres de fer ; mais, pendant ce temps, les élèves de l’école voisine ne viendraient-ils pas le tourner en ridicule et l’assaillir de leurs quolibets ? Qui sait même si tout le quartier des matelots, qui touchait presque à l’hôpital, ne se mettrait pas de la partie, pour se divertir et rire de le voir ainsi au carcan ?

— Grand Dieu ! s’écria-t-il, le sang me monte au cerveau… Je crois que je deviens fou ! Oh ! si je pouvais me retirer de là, je n’y reviendrais de ma vie.

Voilà ce qu’il aurait dû dire un peu plus tôt. C’était déjà fait ! Notre homme subitement délivré s’en alla, à demi suffoqué, reprendre son poste dans la salle.

Mais ne croyez pas que tout soit fini pour lui ; c’est le plus pénible qu’il nous reste à raconter.

La nuit s’était écoulée et le jour du lendemain aussi, sans qu’on fût venu réclamer les galoches.

Le soir une représentation dramatique avait lieu sur un théâtre d’amateurs situé au coin d’une rue isolée. La salle était comble. Parmi les spectateurs se trouvait le jeune interne de l’hôpital, qui semblait avoir mis en oubli son aventure de la nuit précédente. Il avait encore une fois chaussé les galoches pour se garantir de la boue des rues.

Une jeune personne vint réciter une pièce de vers intitulée : « Les lunettes de ma tante. »