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heureuses. Ceci soit dit comme simple explication, sans nulle pensée d’épigramme.

Un des jeunes internes dont on pouvait dire, sous le rapport physique, que c’était une forte tête, se trouvait de garde le soir après celui où a commencé cette histoire. Il entendait au dehors la pluie qui tombait à verse : malgré cela il lui fallait absolument sortir. Un quart d’heure lui suffirait, et, pour ne pas avoir à en parler au concierge, il résolut de prendre la voie de la grille. Au moment de quitter la salle, son regard tomba sur les galoches que le gardien de nuit y avait oubliées ; elles n’étaient pas de luxe par un temps pareil : aussi, sans se douter de leur vertu miraculeuse, s’empressa-t-ii de les mettre à ses pieds. Maintenant il s’agissait de passer sans se faire pincer. C’était la première fois qu’il tentait cette aventure.

— Si j’avais seulement la tête dehors ! se dit-il.

Et la susdite tête, malgré son volume, passa immédiatement, grâce à la puissance des galoches.

Mais il en fut tout autrement du restant de son corps : impossible à l’interne de le faire suivre.

— Il paraît, se dit-il, que je suis trop gros. J’avais cru que ce serait la tête qui offrirait le plus de difficulté ; je me suis complètement trompé.

Il voulut alors retirer sa tête ; mais en vain : tout ce qu’il put faire, ce fut de remuer le cou ; d’abord il se mit en colère ; puis il resta anéanti d’épouvante. Les galoches du Bonheur étaient toutes prêtes à le servir, et malheureusement l’idée ne lui vint pas d’exprimer le désir de quitter la terrible position où elles l’avaient mis. Au lieu de parler, il se démena comme un beau