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Subissant plusieurs fois les variations de la fortune, maître Jean arriva à l’âge de cent ans, prenant le temps comme il venait, le mal avec le bien. Un jour, qu’il était assis dans son jardin sous un grand poirier, un petit bonhomme, tout habillé de gris et monté sur un âne, vint à passer. Le maréchal, qui l’avait déjà rencontré autrefois, l’invita à se reposer et à se rafraîchir, puis il ferra l’âne sans vouloir accepter la récompense que le bonhomme lui offrait.

— Puisque vous refusez mon argent, dit alors le voyageur, je vous accorde l’accomplissement de trois vœux ; mais surtout n’oubliez pas de désirer ce qu’il y a de mieux.

Le vieillard réfléchit un instant et répondit :

— J’affectionne singulièrement ce grand poirier ; mais, la nuit, des maraudeurs y montent et en mangent les fruits. Je voudrais que nul ne pût en descendre sans ma permission.

L’homme gris secoua la tête et attendit le second vœu.

— Je voudrais ensuite, continua le maréchal ferrant, que personne ne pût entrer dans ma chambre contre ma volonté, à moins que ce ne soit par le trou de la serrure. Déjà deux fois j’ai été dévalisé par des voleurs ; de cette manière, je saurais les éviter.

— N’oublie pas ce qu’il y a de mieux ! reprit l’autre d’un air grave, et maître Jean fit son troisième vœu.

— Ce qu’il y a de mieux, c’est un bon petit verre de vin vieux ; je voudrais donc que cette gourde fût toujours pleine.

— Que tes vœux soient exaucés ! dit le bonhomme