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avait eu le diable à ses trousses, et ne s’arrêta pas qu’il ne fût arrivé, tout essoufflé et couvert de sueur, à son misérable logis.

Sa femme était précisément dans la cour, occupée à savonner du linge ; en voyant son mari, elle interrompit son travail pour lui crier :

— Enfin, te voilà, paresseux, ce n’est pas malheureux ! Monsieur le marguillier est dans la chambre à t’attendre depuis une demi-heure ; il dit qu’il a une bonne affaire à te proposer.

Le savetier entra chez lui, et trouva le marguillier qui lui parla ainsi :

— Je sais, maître Martin, que vous êtes un homme qui n’aimez pas trop la besogne ; je connais aussi la gêne dans laquelle vous vivez. J’ai donc pensé que vous seriez content de trouver à gagner deux écus sans vous donner de peine, tout en me rendant service. Vous n’ignorez pas que c’est aujourd’hui la fête de saint Népomucène et qu’un office doit être célébré ce soir en son honneur. Comme à l’ordinaire, les pèlerins ne manqueront pas d’affluer à l’église pour vénérer notre patron : or, je me trouve dans un terrible embarras. Ce matin, en nettoyant l’église, le sacristain a fait tomber à terre la statue du saint qui s’est cassée en cent morceaux ; il n’y a pas moyen de la raccommoder, et pourtant impossible de nous en passer. Voici ce que je viens vous proposer : vous prendrez, pendant quelques heures, la place du patron de notre ville, et je vous donnerai deux écus pour votre peine.

Le savetier frissonna : il pressentit que la prédiction qui lui avait été faite allait s’accomplir ; mais la