qu’un seul individu. Il était dans sa chambre, tenant entre ses doigts un papier rose sur lequel était écrite une pièce de vers. Ce n’est pas à dire pour cela que le lieutenant fût poëte ; mais il est telle situation d’esprit où tout le monde peut éprouver le besoin de faire des vers.
Voici ceux que contenait le papier rose :
Si j’étais riche ! — Aux jours de ma première enfance,
Tel était de mon cœur le souhait, l’espérance !
Et quels brillants projets s’y venaient allier !
De rêves dorés quel cortège !
Oh ! si j’étais riche, disais-je,
Je serais un bel officier ;
J’aurais un uniforme, un panache, une épée…
J’ai tout cela ; je suis un officier du roi :
Quant au bonheur, hélas ! mon attente est trompée.
Seigneur, ayez pitié de moi !
Un soir, j’étais assis près d’une enfant charmante,
Que mon cœur invoquait déjà comme une amante.
Elle me souriait, candide, et m’embrassait ;
Je lui racontais des histoires
D’enchantements et de grimoires
Qu’un beau dénoûment finissait.
Oh ! j’étais riche alors, riche de poésie ;
Elle ne voulait pas de moi d’autres trésors.
Mes regards pénétraient dans son âme saisie…
Seigneur, j’étais heureux alors !
Cette enfant, je l’ai vue, en grandissant, ornée
De charmes plus touchants, plus divins chaque année.
Oh ! si je lui disais le secret de mon cœur !
Si sa pitié voulait m’entendre
Et jusqu’à moi faire descendre