Page:Andersen - Nouveaux Contes, trad. Soldi.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Voilà un bien vieux nom ! N’est-ce pas celui du premier imprimeur danois ?

— Précisément.

Un bourgeois vint alors se mêler à la conversation, et se mit à parler de la terrible peste, qui, quelques années auparavant — il voulait dire en 1484 — avait désolé le pays. Le conseiller pensa qu’il s’agissait du choléra, et l’entretien continua comme si les interlocuteurs se fussent parfaitement entendus. On dit aussi quelques mots de la dernière guerre des flibustiers en 1490, et le conseiller, supposant qu’on voulait parler des Anglais et du combat de 1801, prit énergiquement parti contre cette nation. Mais ensuite la conversation se compliqua. Le vieux bachelier semblait d’une ignorance étrange au conseiller, et les propos les plus simples de ce dernier choquaient le bachelier par leur excentricité et leur ton aventureux. À la fin ils prirent le parti de discuter en latin ; mais ce n’était pas là ce qui pouvait les mettre d’accord.

— Comment vous trouvez-vous maintenant ? demanda soudain l’hôtesse, en tirant le conseiller par la manche.

Cette question lui rendit toute son anxiété. Dans la vivacité de la discussion, il avait entièrement oublié ses aventures.

— Seigneur ! où suis-je ? dit-il avec terreur, en sentant le vertige s’emparer de son cerveau.

— Buvons du clairet, s’écria le bourgeois, de l’hydromel et de la bière de Brême ; vous ne refuserez pas de boire avec nous.

Deux servantes, dont l’une était coiffée d’un bonnet jaune et rouge, entrèrent pour remplir les verres de la société. Le conseiller était presque fou de désespoir ;