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— Dieu me pardonne ! je crois que je n’ai plus la tête à moi. Quel est donc ce monument ?

Il passa sous la porte ; la place Royale avait disparu. Devant ses yeux s’étalait une plaine immense traversée par un large canal. Quelques baraques en bois, servant de cabarets pour les marins hollandais, se montraient seules sur le bord.

— Ou c’est l’effet d’un mirage, s’écria-t-il, ou le punch de la soirée m’a fait perdre complètement la raison ; —et il rebroussa chemin. Il remarqua alors que presque toutes les maisons étaient en charpente et n’avaient que des toits de chaume.

— C’est singulier, reprit-il, je n’ai pourtant bu qu’un seul verre de punch ; mais il paraît qu’il a suffi pour me mettre la tête à l’envers. Je me sens tout malade… Si je retournais pour demander des soins, peut-être n’est-on pas encore couché.

Il cherche la maison ; elle n’y était plus.

— Mais c’est affreux ! je ne reconnais plus rien ; je ne vois plus un seul magasin ; les maisons sont vieilles et misérables, comme on n’en voit plus que dans quelques pauvres villages. Oh ! je me sens bien malade ! Enfin il faut bien que j’entre quelque part ; je ne puis passer la nuit dehors.

En continuant de marcher, il découvrit bientôt une maison, dont la porte entr’ouverte laissait filtrer un rayon de lumière ; c’était un cabaret de cette époque, une espèce de brasserie. Un certain nombre d’individus, des marins, des bourgeois et quelques lettrés buvaient, autour des tables, dans de grands pots ; ils ne firent aucune attention à l’entrée du conseiller.