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étrange rencontre, il traversa la rue de l’Est sans regarder ni à droite ni à gauche, et arriva ainsi jusqu’à l’endroit où est le grand pont qui conduit au château.

Nouvelle surprise ! il ne trouva plus le pont ; il n’avait devant lui que la berge d’un petit cours d’eau bas et sablonneux. Deux hommes lui crièrent d’un bateau :

— Monsieur veut-il que nous le passions de l’autre côté pour aller place de la Corderie ?

— Place de la Corderie ! Je ne connais pas cette place. Je vais à la petite rue de la Cité.

Les hommes le regardaient sans répondre.

— Dites-moi donc où est le grand pont ? continua-t-il. Est-ce croyable de ne pas allumer le gaz par une nuit si sombre ! Je m’en plaindrai à l’autorité. Avec ça on marche dans une boue si épaisse qu’on se croirait dans un marais.

Les bateliers lui adressèrent en riant quelques mots dont il ne comprit pas le sens.

— Je n’entends pas votre patois, dit-il en colère ; et il leur tourna le dos. Jamais je n’ai vu pareil désarroi ; ce que j’ai de mieux à faire, c’est de prendre un fiacre pour rentrer chez moi.

Mais, comme pas une seule voiture ne passait, il résolut de reprendre par la rue de l’Est pour aller à la place Royale, où se trouve la principale station.

Au moment où il arrivait au bout de la rue, les rayons de la lune perçant les nuages vinrent éclairer la ville. Le conseiller aperçut devant lui un grand monument : c’était la porte de l’Est qui, sous le roi Jean, s’élevait en cet endroit.