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la menthe, le thym, les roses et les autres fleurs de la vallée. N’en prenez que l’arôme subtil ; laissez les nuages absorber les lourdes vapeurs. Faites pousser le tout par les vents à travers les forêts de pins, alors vous avez un air d’un bouquet exquis, d’une fraîcheur délicieuse.

C’est cet air que Rudy allait savourer le matin sur les hauteurs ; les rayons du soleil venaient caresser ses joues ; le vertige, l’affreux démon, le guettait ; mais il lui était défendu par ordre supérieur, d’approcher du petit. Les hirondelles des sept nids qui étaient sous le toit de son grand-père le venaient rejoindre là-haut, où il menait les chèvres, et elles chantaient leur mystérieux refrain : Vi og i, og i og vi[1]. Elles lui mandaient des compliments de toute la maison et même des deux poules, les seuls animaux que Rudy ne fréquentait pas.

Tout petit qu’il était, il avait déjà pas mal voyagé. Il était né dans le canton du Valais, d’où on l’avait apporté tout jeune dans l’Oberland à travers les Alpes. Plus tard, il avait été à pied jusqu’aux Staubback contempler la magnifique cascade qui, devant la Jungfrau, ce mont tout blanc de neige et de glace, fait flotter dans l’air comme une gaze d’argent longue d’un millier de pieds.

Il avait encore été près des grands glaciers de Grindelwald. Mais c’était là une triste histoire. Sa mère y avait péri, et lui avait perdu toute sa gaîté enfantine. « Lorsque Rudy n’avait que deux ans, racontait parfois son grand-père, il riait presque toujours. Les lettres que m’écrivait sa mère n’étaient

  1. Onomatopée pour exprimer le cri de l’hirondelle ; mais, bien entendu, il faut y mettre l’accent ; ces mots ont le sens de : « Vous et nous et nous. »