Page:Andersen - Contes danois, trad. Grégoire et Moland, 1873.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appris que j’avais lu à Copenhague une de mes poésies. IL me considéra de son œil le plus perçant et m’ordonna de lui apporter mes vers, ajoutant que, s’il y trouvait une étincelle de poésie, il me pardonnerait de passer mon temps à rimer. D’une main tremblante je lui présentai mon Enfant mourant ; il le lut, déclara que ce n’était que fausse sentimentalité et radotage.

« Il se mit à me traiter encore plus durement ; j’étais à bout de forces. Heureusement un des professeurs de l’école alla à Copenhague expliquer à Collin ce qu’il en était. Mon protecteur me rappela au plus tôt.

« J’allai dire adieu au recteur et le remercier des progrès qu’il m’avait fait faire ; mais, plus violent que jamais, il me maudit, m’annonça que jamais je n’entrerais à l’université, que mes poésies, si on les imprimait, moisiraient dans les magasins des libraires, et que je finirais dans une maison de fous. Je me retirai tout bouleversé.

« Quelques années après, lorsque mes écrits commencèrent à être goûtés du public, je le rencontrai à Copenhague ; il vint à moi, me tendit la main et me pria de lui pardonner de s’être trompé sur mon compte et de ne pas m’avoir mieux traité.

« Je revins dans la capitale m’installer dans une petite mansarde ; on me donna un répétiteur, surtout pour le latin et le grec. Quant aux mathématiques, qui étaient, chose bizarre, devenues mon fort, je les continuai, tout seul.

« J’allai dîner tous les jours chez l’une ou l’autre des diverses familles qui me voulaient du bien. C’est là une coutume touchante de nos pays du Nord, qui permet à bien des jeunes gens pauvres de faire leurs études. On les reçoit comme