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dier, croyant que c’était le résultat d’une mélancolie native.

« Je renaissais à la vie quand j’allais passer quelques jours à Copenhague. J’y lus, chez des personnes de connaissance, les vers que j’avais composés depuis mon départ ; à Slagelsée j’avais écrit cinq pièces de poésie, dont l’une, À ma mère se trouve dans mes Œuvres ; à Elseneur une seule : l’Enfant mourant ; c’est parmi mes poésies celle qui est la plus goûtée, la plus répandue.

« Je la récitai donc dans les salons de Copenhague ; mais alors elle ne fit pas d’effet ; beaucoup de mes auditeurs ne remarquèrent qu’une chose : c’est que j’avais conservé mon mauvais accent fionien. D’autres me sermonnèrent, m’exhortèrent fort à ne pas concevoir une trop haute idée de mon talent ; et cela au moment où je ne m’en croyais plus du tout.

« Un des endroits où l’on m’accueillait le plus amicalement, c’était chez l’amiral Wulff ; il demeurait alors au château d’Amalienbourg ; ses enfants m’aimaient beaucoup ; lorsque je venais dans la capitale, j’habitais une chambre du château qui avait vue sur la place. Le premier soir que j’y entrai, je me rappelai les paroles d’Aladdin quand, de son riche palais, il regarde la place et dit : « C’est là que je demeurais lorsque j’étais un pauvre enfant. »

« Chez l’amiral, je vis les hommes les plus distingués de l’époque ; celui que je vénérais le plus, c’était le poète Oehlenschlaeger. Quel ne fut pas mon ravissement lorsqu’un soir il vint me chercher derrière les rideaux, où je me cachais à cause de mes habits si pauvres ! Il me prit amicalement la main. Je fus sur le point de m’agenouiller devant lui.

« Mais il fallait m’en retourner chez mon recteur ; il avait