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« Je traversai le Belt et je partis à pied pour ma ville natale. Lorsque j’en aperçus le vieux clocher, mon cœur palpita, je compris la bonté de Dieu envers moi, et les larmes me vinrent aux yeux.

« Ma mère était au septième ciel ; quand je traversais les rues ; les gens ouvraient les fenêtres pour me voir. Un des notables m’invita à entrer chez lui et me conduisit sur une terrasse qu’il avait construite en haut de sa maison. Dans la rue quelques braves vieilles qui m’avaient connu tout petit à l’Hôpital me montrèrent du doigt aux passants. Je me croyais au comble du bonheur et de la gloire.

« Dès que je fus de retour à Slagelsée, l’auréole s’évanouit entièrement. Je travaillais de toutes mes forces, et j’avançais toujours ; mais plus j’arrivais dans des classes élevées, plus je sentais que mes efforts n’étaient pas suffisants. Souvent le soir, quand le sommeil me prenait, je me lavais la tête à l’eau froide, ou bien je me promenais dans le petit jardin de la maison, jusqu’à ce que je fusse assez réveillé pour pouvoir reprendre mes livres.

« Le recteur continuait à m’accabler de brocards et de sobriquets. Je me sentais paralysé par la crainte dès que je le voyais ; par suite, je répondais tout de travers à ses questions, et mes transes redoublaient.

« Dans un de ces moments d’angoisses, j’écrivis à celui des professeurs qui me montrait le plus de bonté. Je lui déclarai que je me considérais comme sans moyens et que le roi jetait son argent dans la rue en me faisant étudier. Je le priai de me donner un bon conseil. L’excellent homme me consola avec les paroles les plus douces ; il me dit que le recteur me voulait du bien, mais qu’il ne pouvait pas changer