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un second père. Il ne me dit que quelques paroles assez sévères sur ma pièce. Je me retirai, en le regardant comme un ennemi. Et pendant ce temps, cet excellent homme faisait d’actives démarches pour me tirer une bonne fois de la peine. Quelques jours après, on me rendit ma pièce, déclarée injouable ; mais, me dit-on, M. Collin y avait rencontré tant de paillettes d’or, qu’il avait pensé qu’avec de l’instruction je deviendrais capable d’écrire des pièces dignes de la scène danoise. Il avait obtenu pour moi, du roi Frédéric VI, une pension pendant plusieurs années, et l’autorisation de fréquenter gratuitement l’École latine de Slagelsée.

« À cette nouvelle, je restai muet d’étonnement ; jamais je n’avais cru que je suivrais cette carrière des lettres, dont je ne me rendais, du reste, pas nettement compte. Collin devait être comme mon tuteur ; je suis fier de lui avoir inspiré l’affection qu’il ne cessa de me témoigner, sans qu’une parole, sans qu’un regard rendît ses bienfaits lourds à celui qui les recevait. Et je n’en puis dire autant de tous ceux que j’ai eu à remercier de mon changement de fortune.

« Par un beau jour d’automne, je partis pour Slagelsée. Je me trouvais, dans la diligence, avec un jeune étudiant qui venait d’être reçu à l’université et qui allait revoir ses parents. Il m’assura qu’il serait l’être le plus malheureux de la terre s’il lui fallait rentrer à l’École latine. Cela ne me découragea pas, et j’écrivis à ma mère une lettre pleine d’une joie exubérante. Il ne manquait qu’une chose à mon bonheur, c’est que mon père et ma grand’mère fussent encore de ce monde, pour apprendre que j’étais élève de l’École latine !

« Lorsque j’arrivai à Slagelsée, tard dans la soirée, je demandai à la femme de l’aubergiste chez qui j’étais des-