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ce qu’il ne fit pas sans se piquer fortement aux épines. La jeune Écossaise lui met à la boutonnière cette fleur vulgaire, et il s’en trouve singulièrement flatté. Tous les autres jeunes gens auraient volontiers échangé leurs fleurs rares contre celle offerte par la main de l’étrangère. Si le fils de la maison se rengorgeait, qu’était-ce donc du chardon ? Il ne se sentait plus d’aise ; il éprouvait une satisfaction, un bien-être, comme lorsque après une bonne rosée, les rayons du soleil venaient le réchauffer.

« Je suis donc quelque chose de bien plus relevé que je n’en ai l’air, pensait-il en lui-même. Je m’en étais toujours douté. À bien dire, je devrais être en dedans de la haie et non pas au dehors. Mais, en ce monde, on ne se trouve pas toujours placé à sa vraie place. Voici du moins une de mes filles qui a franchi la haie et qui même se pavane à la boutonnière d’un beau cavalier. »

Il raconta cet événement à toutes les pousses qui se développèrent sur son tronc fertile, à tous les boutons qui surgirent sur ses branches. Peu de jours s’étaient écoulés lorsqu’il apprit, non par les paroles des passants, non par les gazouillements des oiseaux, mais par ces mille échos qui lorsqu’on laisse les fenêtres ouvertes, répandent partout ce qui se dit dans l’intérieur des appartements, il apprit, disons-nous, que le jeune homme qui avait été décoré de la fleur de chardon par la belle Écossaise avait aussi obtenu son cœur et sa main.

« C’est moi qui les ai unis, c’est moi qui ai fait ce mariage ! » s’écria le chardon, et plus que jamais, il raconta le mémorable événement à toutes les fleurs nouvelles dont ses branches se couvraient.