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larmes coulaient des yeux de la brave bête. Il repartit rapide comme le vent.

La voilà donc toute seule, la pauvre Gerda, sans souliers et sans gants, au milieu de ce terrible pays de Finnmarken, gelé de part en part. Elle se mit à courir en avant aussi vite qu’elle put. Elle vit devant elle un régiment de flocons de neige. Ils ne tombaient pas du ciel, qui était clair et illuminé par l’aurore boréale. Ils couraient en ligne droite sur le sol, et plus ils approchaient, plus elle remarquait combien ils étaient gros.

Elle se souvint des flocons qu’elle avait autrefois examinés avec la loupe, et combien ils lui avaient paru grands et formés avec symétrie. Ceux-ci étaient bien plus énormes et terribles ; ils étaient doués de vie. C’étaient les avant-postes de l’armée de la Reine des Neiges.

Les uns ressemblaient à des porcs-épics ; d’autres, à un nœud de serpents entrelacés, dardant leurs têtes de tous côtés ; d’autres avaient la figure de petits ours trapus, aux poils rebroussés. Tous étaient d’une blancheur éblouissante.

Ils avançaient en bon ordre. Alors Gerda récita avec ferveur un Notre Père. Le froid était tel qu’elle pouvait voir sa propre haleine, qui, pendant qu’elle priait, sortait de sa bouche comme une bouffée de vapeur. Cette vapeur devint de plus en plus épaisse, et il s’en forma de petits anges qui, une fois qu’ils avaient touché terre, grandissaient à vue d’œil. Tous avaient des casques sur la tête ; ils étaient armés de lances et de boucliers. Lorsque l’enfant eut achevé le Pater, il y en avait légion.

Ils attaquèrent les terribles flocons, et, avec leurs lances, les taillèrent en pièces, les fracassèrent en mille morceaux.