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chez le prévôt, il n’est pas un seul d’entre eux qui m’ait laissé un souvenir particulier : signe certain qu’ils ne s’occupèrent pas du tout de moi. J’étais embarrassé, je me sentais un intrus. Aussi quel ne fut pas mon bonheur, lorsqu’un jour celle des jeunes filles qui était la plus noble de naissance et qui me regardait toujours avec amitié, me donna une rose ; il y avait donc quelqu’un qui ne me méprisait pas !

« Ma vieille tailleuse arrangea le surtout de défunt mon père et m’en fit un habit de confirmation. Je n’avais jamais porté d’habit de cette coupe, de même que je mettais pour la première fois des bottes. Ma joie était extrême ; je craignais seulement que mes bottes ne fussent pas aperçues de tous ; je les passai par-dessus le pantalon. Quand je traversai l’église, ces bienheureuses bottes craquèrent, j’en fus enchanté, parce que tout le monde, pensai-je, remarquerait qu’elles étaient neuves. Ces idées profanes troublaient entièrement mes sentiments de piété. J’éprouvais des remords terribles en voyant que mes pensées s’occupaient autant de ces bottes neuves que du bon Dieu. Je le priai de tout cœur de me pardonner, et un moment après je me prenais à admirer de nouveau les bottes de Hans Christian Andersen. L’année précédente j’avais amassé une petite somme d’argent que je me mis alors à compter. Il y avait treize écus ; je fus transporté à l’idée d’une telle richesse, et lorsque ma mère exigea positivement que j’entrasse en apprentissage chez un tailleur, je la priai et la suppliai de me laisser aller à Copenhague, qui était à mes yeux la plus grande cité du monde.

« Mais que veux-tu y devenir ? demanda ma mère.

« — Je veux devenir célèbre. »

« Et je lui racontai ce que j’avais lu des débuts des