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nos hommes sont partis. Il ne reste plus ici que la grand’mère ; elle ne s’en ira pas. Mais vers midi elle boit de ce qui est dans la grande bouteille, et après avoir bu elle dort toujours un peu. Alors je ferai quelque chose pour toi. »

Elle sauta à bas du lit, alla embrasser sa grand’mère en lui tirant la moustache : « Bonjour, bonne vieille chèvre, dit-elle, bonjour. » La mégère lui donna un coup de poing tel que le nez de la petite en devint rouge et bleu ; mais c’était pure marque d’amitié.

Plus tard la vieille but en effet de la grande bouteille et ensuite s’endormit. La petite brigande alla prendre le renne : « J’aurais eu du plaisir à te garder, lui dit-elle, pour te chatouiller le cou avec mon couteau, car tu fais alors de drôles de mine ; mais tant pis, je vais te détacher et te laisser sortir, afin que tu retournes en Laponie. Il faudra que tu fasses vivement aller tes jambes et que tu portes cette petite fille jusqu’au palais de la Reine des Neiges, où se trouve son camarade ; tu te rappelles ce qu’elle a conté cette nuit, puisque tu nous écoutais. »

Le renne bondit de joie. Lorsqu’il fut un peu calmé, la petite brigande assit Gerda sur le dos de la bête, lui donna un coussin pour siège et l’attacha solidement, de sorte qu’elle ne pût tomber.

« Tiens, dit-elle, je te rends tes bottines fourrées, car la saison est avancée ; mais le manchon, je le garde, il est par trop mignon. Je ne veux pas cependant que tu aies tes menottes gelées ; voici les gants fourrés de ma grand’mère ; ils te vont jusqu’aux coudes. Allons, mets-les. Maintenant tu as d’aussi affreuses pattes que ma vieille chèvre ! »

Gerda pleurait de joie.