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comme un couteau affilé. Elle avait raison ; c’est ce qui me désolait en troublant mon cœur.

« Je lui baisai la main, en versant des larmes amères ; Mais je pleurai bien plus encore lorsque j’arrivai dans ma chambre où je me laissai tomber sur mon lit. Ce fut une nuit affreuse, celle qui suivit ce jour. Dieu seul sait ce que je souffris et quelle lutte j’eus à soutenir.

« Le dimanche suivant, je me présentai à la table du Seigneur pour qu’il m’éclairât. Ce fut comme un coup du ciel. Au sortir de l’église, Éric se trouva devant moi. Alors il ne resta plus de doute dans mon esprit. Nous nous convenions parfaitement. Notre condition était la même. Il avait une petite fortune. Je m’avançai vers lui, et, prenant sa main, je dis :

« Tes pensées sont-elles encore pour moi ?

— Oui, répondit-il, toujours et pour éternité.

— Veux-tu épouser une jeune fille qui t’estime, mais ne t’aime pas. Cela peut venir un jour.

— Cela viendra, j’en suis sûr, » reprit-il. Et nous nous engageâmes notre foi.

« Je rentrai à la maison. L’anneau d’or que le fils m’avait donné, je le portais sur mon cœur pendant le jour, à cause du monde ; le soir seulement, quand je me couchais, je le mettais au doigt. Je pris l’anneau et le baisai tant que mes lèvres saignèrent. Puis j’allai le rendre à ma maîtresse et lui annonçai que nos bans seraient publiés la semaine prochaine. Elle m’embrassa, me serra sur son cœur. Elle ne dit point que je me conduisais mal.

« Peut-être étais-je alors meilleure qu’aujourd’hui, quoique je n’eusse pas été encore éprouvée par le malheur.