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cotonnade qu’elle réservait pour ce jour et pour ceux où elle communiait. Cette robe fut, pendant toutes les années dont je me souviens, son unique robe de fête.

« Lorsqu’elle venait ainsi avec nous, elle rapportait à la maison des branches de hêtre fraîches qu’elle plaçait derrière le poêle brillant et poli, et aussi des herbes de la Saint-Jean qu’elle mettait entre les fentes des poutres ; elles y poussaient, et, d’après leur grandeur, nous calculions combien d’années nous avions a vivre. Notre petite chambre, que ma mère tenait dans une extrême propreté, était ainsi ornée de verdure. Elle mettait son orgueil à ce que les couvertures du lit et les rideaux fussent toujours bien blancs.

« La mère de mon père venait chaque jour chez nous passer ne fût-ce que quelques instants, pour voir son petit-fils : j’étais sa joie et son bonheur. C’était une vieille tout aimable, aux yeux bleus très doux. Elle avait une figure agréable et l’air d’une dame. La vie l’avait durement éprouvée. Après avoir possédé une belle fortune, elle était tombée dans une grande gêne. Elle habitait, avec son mari malade d’esprit, une petite maison qu’elle avait achetée des derniers restes de son avoir. Cependant je ne me souviens pas de l’avoir vue pleurer ; mais cela ne me faisait que plus d’impression quand elle soupirait profondément et qu’elle racontait l’histoire de sa mère : laquelle était une noble et riche demoiselle de Cassel en Allemagne : elle s’était éprise d’un comédien et l’avait épousé, quittant pour lui parents et patrie. « C’est cette faute, disait ma grand’mère, que nous, ses descendants, devons expier. »

« Je n’ai pas l’idée qu’elle ait jamais prononcé devant moi le nom de cette aïeule.