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Sur ces mots, le batelier se tut, plus embarrassé qu’au commencement.

Ib avait entendu tout cela sans souffler mot ; mais il était devenu plus blanc que la muraille. Enfin il secoua la tête et balbutia : « Non, Christine ne doit pas repousser son bonheur.

— Eh bien, dit le batelier, écris-lui quelques mots. »

Il s’assit et prit plume et papier. Après avoir bien réfléchi, il écrivit quelques mots qu’il effaça aussitôt. Il en traça d’autres qu’il biffa encore. Alors il déchira la feuille et écrivit sur une autre qu’il déchira de même. Ce n’est que le lendemain qu’il arriva à écrire sans rature la lettre suivante, qu’il remit au batelier et qui parvint à Christine :


« J’ai lu la lettre que tu as écrite à ton père. J’y apprends que tout s’est jusqu’ici arrangé à souhait pour toi et que tu peux même être encore plus heureuse. Interroge ton cœur, Christine, et réfléchis au sort qui t’attend si tu te maries avec moi. Ce que je possède est bien peu de chose. Ne pense pas à moi ni à ce que je pourrais éprouver, mais songe à ton salut éternel. Tu n’es liée envers moi par aucune promesse, et si, dans ton cœur, tu en avais prononcé une en ma faveur, je t’en délie. Que le bonheur répande sur toi, Christine, ses plus riches dons ! Le bon Dieu saura bien procurer des consolations à mon cœur.

« Ton ami à jamais dévoué,
« Ib. »


Christine trouva que c’était d’un bien brave garçon. Au mois de novembre ses bans furent publiés, et elle partit