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saient toujours la filasse verte. Même sur le chemin de la mort, elle n’avait pas voulu interrompre son travail. Les dix tuniques étaient à ses pieds ; elle achevait la onzième.

Cependant la populace se moquait d’elle et l’injuriait.

« Regardez donc comme elle marmotte, la sorcière ! Ce n’est pas un livre de prières qu’elle tient à la main ! Elle continue ses maléfices jusqu’au dernier moment. Arrachons-lui cette mauvaise étoffe pour la déchirer en mille morceaux ! »

Des mains brutales allaient saisir l’infortunée, lorsque parurent les onze cygnes blancs ; ils se placèrent autour d’elle ; sur la charrette, et agitèrent leurs grandes ailes. La foule recula effrayée.

« C’est un avertissement du ciel ; elle est sans doute innocente, » dirent quelques-uns tout bas ; mais personne n’osait répéter ces paroles à haute voix.

En ce moment le bourreau prit la main de la victime ; alors elle jeta promptement les onze tuniques sur les cygnes, et, à l’instant même, ils se changèrent en onze beaux princes. Le plus jeune avait encore une aile à la place d’un bras, une des manches de la tunique n’étant pas achevée.

« Je puis donc parler, s’écria l’heureuse sœur sachez que je suis innocente. »

Et le peuple, voyant ce qui se passait, s’inclina devant elle comme devant une sainte ; mais la