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hague et qu’il fallait me chercher un emploi, m’astreindre au travail. Tandis que je m’en allais ainsi cheminant le long de l’Amagertorv, en songeant à ce que je pourrais devenir, je me rappelai qu’on avait souvent, à Odensée, vanté ma voix, et il me sembla que c’était là un don du ciel dont je devais savoir profiter. Je m’en allai du même pas frapper à la porte de notre célèbre professeur de musique, Siboni. Je racontai naïvement, à la domestique qui vint m’ouvrir, toute mon histoire et toutes mes espérances. Elle rapporta fidèlement mon récit à son maître, et j’entendis de grands éclats de rire. Siboni avait ce jour-là plusieurs personnes à dîner chez lui, entre autres Weyse, le compositeur, et Baggesen, le poëte. Tout le monde voulut voir cet étrange voyageur qui s’en venait ainsi chercher fortune, et l’on me fit entrer. Weyse me prit par la main, Baggesen me frappa sur la joue en riant et en m’appelant petit aventurier. Siboni, après m’avoir entendu chanter, résolut de m’enseigner la musique et de me faire entrer à l’Opéra. Je sortis de cette maison avec l’ivresse dans l’âme. Tous mes songes d’artiste allaient donc se réaliser, la vie s’ouvrait devant moi avec des couronnes de fleurs et de chants harmonieux ; et le lendemain, Weyse, qui avait fait une collecte chez ses amis, m’apporta soixante-dix écus. Il m’engagea à me mettre sérieusement au travail, à me chercher une demeure au sein d’une famille honnête ; et je tombai dans un mauvais gîte. Mais je n’y restai pas longtemps. Je perdis un jour ma voix et toutes mes espérances. Siboni voulait que je m’en retournasse à Odensée ; moi je vou-