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teau, il fit ses adieux à la princesse, en lui disant tout bas : « Pense à ma tête. »

Mais le compagnon de voyage l’avait entendu. Au moment même où la princesse se glissa par sa fenêtre dans sa chambre à coucher, il saisit le sorcier par sa longue barbe noire, et lui coupa sa vilaine tête au ras des épaules. Cela fut sitôt fait, que vraiment le sorcier ne put se reconnaître. Le corps fut jeté aux poissons du lac ; quant à la tête, après l’avoir plongée dans l’eau, le compagnon l’enveloppa dans son foulard, l’emporta dans le cabaret, et regagna son lit.

Le lendemain, il donna le foulard à Jean, et lui recommanda de ne pas le dénouer jusqu’au moment où la princesse lui adresserait sa troisième question.

Il y avait tant de monde dans la grande salle du château, que la foule était serrée comme une botte de radis. Le conseil siégeait avec ses édredons, le vieux roi s’était fait habiller de neuf ; la couronne d’or et le sceptre avaient été polis ; mais la princesse était d’une extrême pâleur. Elle portait une robe noire, comme si elle se fût apprêtée à suivre un enterrement.

« À quoi ai-je pensé ? » demanda-t-elle à Jean.

Celui-ci dénoua le foulard, et resta stupéfait lui-même à l’effroyable aspect de la tête du sorcier. Il y eut un frisson général ; quant à la prin-