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arriva. Je fis préparer une collation, et la veillée se prolongea fort avant dans la nuit. La conversation devint intime, joyeuse et familière ; tout à coup la duchesse d’Abrantès s’écria :

— Qu’on est donc bien ainsi la nuit pour causer ! On ne craint ni les ennuyeux ni les CRÉANCIERS.

Le dernier mot me surprit étrangement et produisit un grand effet.

Hélas ! c’était le secret de sa vie qu’elle révélait ainsi dans ce moment d’abandon ! de cette vie qui tenait encore aux splendeurs féeriques de l’empire, et que les petites misères douloureuses de la gêne attristaient et tourmentaient secrètement.

Là étaient les deux points extrêmes d’une existence qui ne me fut que trop connue plus tard et qui excita au plus haut point mon étonnement. Grandeur ! Misère ! c’était le fond de chaque jour des dernières années de la duchesse d’Abrantès ; le reste se plaçait tant bien que mal au milieu de cela, et se trouvait plus ou moins imprégné de l’une et de l’autre !

Lorsque je fis connaissance avec madame d’Abrantès, elle habitait dans le haut de la rue Roche-