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La première fois qu’il m’écrivit après sa nomination au consulat de Civita-Vecchia, il signa Giroflay et data de Smyrne. Heureusement alors je connaissais son écriture indéchiffrable, et je devinai que c’était lui.

Au reste, à cette époque, Beyle faisait des livres que personne ne lisait. Ses amis lui disaient qu’ils étaient mauvais, et parfois il le croyait lui-même. J’eus pourtant toutes les peines du monde à me procurer un exemplaire de son livre sur l’Amour ; il était introuvable. Quand j’en eus un, le seul qui existât, et que je lui en parlai, il prétendit que toute l’édition avait été mise à bord d’un vaisseau pour servir de lest, le libraire se trouvant trop heureux de se débarrasser ainsi d’un ouvrage qui depuis cinq ans encombrait ses magasins, sans qu’il en vendît un seul exemplaire. Il disait cela gaiement, en ajoutant comme une plaisanterie :

— Que voulez-vous ? on est trop bête à présent en France pour me comprendre.

Je vis, un soir, arriver chez Gérard un homme de haute taille, un peu gros, et qui portait fièrement une belle et noble tête dont le regard était plein d’intelligence et de finesse. Gérard fut à sa