diants qu’on voyait à la porte du jardin et qui exposaient leurs misères les plus douloureuses par les plaintes les plus touchantes ; et cette générosité qui prodiguait l’aumône à un mot, après s’être refusée à écouter des supplications, étonna le philosophe observateur, qui fut curieux de connaître quels moyens éloquents le pauvre honteux mettait en usage pour toucher en un instant les cœurs les plus endurcis et les intéresser à ses infortunes. Il faut, disait le moraliste, que son malheur soit bien réel et même bien extraordinaire, pour qu’il intéresse ainsi successivement toutes ces personnes, qui sûrement diffèrent entre elles de caractère, d’idées et d’habitudes. Que peut-il leur dire ? Ces réflexions le menèrent naturellement à une curiosité qui voulut se satisfaire : c’était une étude du cœur humain qui tentait son ingénieuse sagacité.
Sterne fut donc, tout doucement et en évitant d’attirer l’attention, s’asseoir derrière l’arbre le plus voisin de l’endroit où le solliciteur habile exerçait son industrie ; il vit bientôt arriver à la promenade d’un air distrait et le nez au vent un de ces officiers qui passent à Londres un congé longtemps demandé et viennent y perdre quelques illusions de plaisirs